MALADIES CARDIOVASCULAIRES : LES BÉNÉFICES DE LA PRÉVENTION
Les patients ont souvent tendance à sous-estimer les facteurs de risque des maladies cardiovasculaires. Or, les accidents cardiovasculaires, lorsqu’ils surviennent, sont souvent fatals ou à l’origine d’importantes séquelles. Il est pourtant possible d’agir sur certains facteurs de risque, et la prévention s’inscrit dans cette démarche.
LES PAYS À REVENU MOYEN OU FAIBLE NE CAPITALISENT PAS OU PEU SUR LA PRÉVENTION ET DISPOSENT DE SERVICES DE SANTÉ MOINS EFFICACES ET ÉQUITABLES.
Les maladies cardiovasculaires sont à l’origine de 17,3 millions de décès et les projections de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) portent à 23,6 millions le nombre de personnes qui mourront d’une maladie cardiovasculaire d’ici 2030. Elles sont la première cause de mortalité dans le monde, les décès pour cardiopathies et accidents vasculaires cérébraux étant les plus fréquents. Contrairement aux idées reçues, les maladies cardiovasculaires ne sont pas ou plus l’apanage des pays développés puisque l’OMS évalue à 80 % le nombre des décès dans les pays à revenu moyen ou faible. Ces pays ne capitalisent pas ou peu sur la prévention et disposent de services de santé moins efficaces et équitables que dans certains pays développés. « Au niveau macroéconomique, les maladies cardiovasculaires prélèvent un lourd tribut sur les économies des pays à revenu faible ou intermédiaire. On estime que les cardiopathies, les accidents vasculaires cérébraux et le diabète réduiraient le PIB de ces pays qui connaissent une croissance économique rapide de 1 à 5 % car beaucoup de personnes meurent prématurément », indique l’OMS dans un aide-mémoire dédié aux maladies cardiovasculaires, daté de septembre 2011.
Le Maroc n’est pas épargné
Parmi les principaux facteurs de risque cardiovasculaire figurent l’hypertension artérielle, les dyslipidémies, le diabète et le tabagisme, auxquels s’ajoutent des facteurs prédisposants tels que l’excès de poids et la sédentarité. Au Maroc, 33,6 % des adultes ont une tension artérielle élevée, 29 % présentent une dyslipidémie, 13 % sont en surpoids et 6,6 % sont diabétiques. L’obésité est associée à une hypertension artérielle dans 58,1 % des cas et l’excès de poids dans plus de 50 % des cas ; 13,9 % des personnes hypertendues sont diabétiques et 65,5 % des diabétiques sont hypertendus. Ces estimations, même si elles datent de 2001, placent le Royaume comme un pays à haut risque cardiovasculaire. Au regard de l’évolution des modes de vie et de l’augmentation de l’espérance de vie, les chiffres de 2011, s’ils étaient disponibles, ne seraient certainement pas plus rassurants. En 2008, le ministère de la Santé a d’ailleurs estimé à 23 % la part des décès imputables aux maladies de l’appareil circulatoire, dont 14,8 % liés à des cardiopathies et 2,1 % à des maladies hypertensives.
L’athérosclérose, principale responsable
L’athérosclérose, à l’origine de la plupart des accidents vasculaires graves, a la particularité de se développer insidieusement sur de longues années. Il s’agit d’une lésion de la couche interne (intima) des artères, principalement de gros et moyen calibre, un épaississement localisé appelé plaque athéromateuse qui finit par obstruer l’artère et limiter, voir empêcher l’apport sanguin. Les manifestations cliniques de l’ischémie athéroscléreuse se traduisent, en fonction de l’artère concernée, par l’accident vasculaire cérébral, l’infarctus du myocarde, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs… des manifestations souvent brutales et responsables de décès ou d’importantes séquelles.
Si les causes de l’athérosclérose ne sont pas encore totalement élucidées, certains facteurs favorisant le développement de la plaque athéromateuse sont clairement identifiés. Il s’agit des hyperlipidémies, de l’élévation du taux de LDL cholestérol, de l’hypertension artérielle, du tabagisme, de l’obésité, du diabète, de la sédentarité, des erreurs alimentaires, de la prise de contraceptifs oraux fortement dosés, du stress, du vieillissement, du sexe et des prédispositions génétiques. S’il est difficile, voire impossible, d’agir sur certains facteurs tels que le sexe ou le vieillissement, il est en revanche possible de corriger certains comportements tels que les erreurs alimentaires, le manque d’activité physique, le tabagisme et l’abus d’alcool, responsables, selon l’OMS, de 80 % des maladies coronariennes et cérébro-vasculaires. « Les effets d’une mauvaise alimentation ou de l’inactivité physique peuvent se manifester par de l’hypertension, une élévation du taux de glucose ou du taux de lipide, un excès de poids ou une obésité, ces effets étant appelés « facteurs de risques intermédiaires » ou « facteurs de risques métaboliques », indique encore l’OMS dans son aide-mémoire. La prévention trouve donc ici toute sa justification.
Evaluer le risque pour…
L’évaluation du risque cardiovasculaire (RCV), c’est-à-dire la probabilité qu’un individu a de développer une maladie cardiovasculaire dans un temps donné, qui permettra d’adapter la stratégie de prévention à mettre en place, tient compte de plusieurs éléments. Il existe différentes méthodes d’estimation du RCV, certaines approches s’appuient sur la sommation des facteurs de risque tandis que d’autres tiennent compte de la valeur effective de chacun des facteurs de risque (SCORE, Framingham..). En 2007, l’OMS et la Société Internationale d’Hypertension ont réalisé des diagrammes prédictifs permettant d’évaluer le risque d’événement cardiovasculaire à dix ans, en tenant compte de l’âge, du sexe, de la tension artérielle, du taux de cholestérol sanguin s’il est mesurable, de la consommation ou non de tabac et de la présence ou non d’un diabète sucré. L’intérêt de ces graphiques est qu’ils permettent une évaluation rapide et qu’ils intègrent des paramètres géographiques (voir encadrés).
… adapter des mesures préventives
Les objectifs de la prévention des maladies cardiovasculaires dépendent du profil du patient. S’il présente un faible risque cardiovasculaire : indice de masse corporelle <25kg/m2, pression artérielle <140/90mmHg, cholestérol total <5mmol/L (<1,9g/L), LDL cholestérol <3mmol/L (<1,15g/L) et glycémie à jeun < 6mmol/L (<1,10g/L), la stratégie de prévention primaire consiste à le sensibiliser sur certains comportements susceptibles de favoriser le développement d’une pathologie comme le tabagisme, les mauvaises habitudes alimentaires et la sédentarité. Face à un patient à haut risque, c’est-à-dire présentant une maladie athéroscléreuse ou un diabète (prévention secondaire), la prescription d’un traitement est souvent nécessaire pour atteindre un niveau de pression artérielle <130/80mmHg, et des taux de cholestérol total <4,5mmol/L (<1,75/L), de LDL cholestérol <2,5mmol/L (<1,0g/L) et de glycémie à jeun <6mmol/L (1,10g/L) et HbA1c <6,5 %.
Encourager l’arrêt du tabac
La consommation de tabac augmente nettement les risques de complications de la maladie coronarienne par infarctus du myocarde et mort subite. Nombre de ses composants sont impliqués dans différents processus. Les produits carcinogènes interviennent dans le développement des lésions athéromateuses au même titre que l’oxyde de carbone. La fumée est nocive pour l’endothélium artériel, la nicotine augmente la fréquence cardiaque et la pression artérielle, et le taux de HDL cholestérol est diminué chez les fumeurs. Pour toutes ces raisons, la consommation de tabac est à éviter, même chez les patients à faible risque. Le sevrage tabagique encadré par un professionnel constitue une étape importante de la prise en charge, peut-être la plus difficile à mettre en place et à entretenir. Il faut savoir qu’avec une maladie coronarienne, un patient s’expose à 1,5 à 2,5 fois plus de risques de faire un accident cardiovasculaire s’il continue à fumer. Par ailleurs, le risque coronarien d’un fumeur est le même que pour un non fumeur après deux à trois ans d’arrêt du tabac. Enfin, après un infarctus du myocarde, les risques de récidives ou de décès sont diminués de moitié grâce au sevrage tabagique.
Agir sur les comportements alimentaires
De nombreuses études ont mis à jour la corrélation entre la consommation de graisses saturées et le risque coronarien, notamment parce qu’elles jouent un rôle majeur dans l’hypercholestérolémie. Les recommandations portent, d’une part, sur la réduction de la consommation de lipides, qui ne doit pas être supérieure à 30 % de la ration calorique totale, et sur le remplacement des graisses saturées par des graisses mono ou polyinsaturées (d’origine végétale ou marine). La consommation de sel est également à surveiller. Elle ne doit pas dépasser 5 grammes par jour car il est admis que le chlorure de sodium favorise l’apparition de l’hypertension artérielle, la survenue d’un accident vasculaire cérébral, de la maladie coronaire et de l’insuffisance cardiaque.
D’une manière plus générale, il faut privilégier une alimentation variée avec fruits et légumes, céréales, pain complet, poissons, viandes et produits laitiers. Les viandes doivent être non grasses et les produits laitiers allégés pour les patients porteurs d’une maladie cardiovasculaire (voir encadré).
Les personnes en surpoids ou obèses présentent un facteur de risque supplémentaire de développer une maladie cardiovasculaire, notamment parce que la surcharge pondérale est très souvent associée à des dyslipidémies, à un diabète de type II et à une hypertension artérielle. Le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC) permet d’apprécier le niveau d’obésité (poids/taille2). Lorsque l’IMC est équivalent à 20-25 kg/m2, le poids est normal. Entre 25 et 30 kg/m2, il existe une surcharge pondérale. À partir de 30 kg/m2, le patient est obèse et au-delà de 40, l’obésité est considérée comme morbide. Il faut également tenir compte de la répartition de l’adiposité. L’adiposité abdominale majore en effet le risque cardiovasculaire. Au-delà de 102 cm de tour de taille chez l’homme, et 88 cm chez la femme, la perte de poids est nécessaire. Le « régime » doit associer diminution de la ration calorique et exercice physique.
L’exercice physique, fortement recommandé
L’exercice physique quotidien ne s’adresse pas qu’aux patients obèses ou en surpoids. Il apporte un bénéfice, même à petite dose, la quantité et la régularité étant à privilégier par rapport à l’intensité. Les recommandations portent sur la pratique quotidienne d’une activité physique, la marche, par exemple, au moins trente minutes par jour, activité qui peut se confondre dans les loisirs, les tâches quotidiennes et/ou professionnelles. L’activité physique constitue également un bon moyen d’évacuer le stress, lui aussi impliqué dans l’augmentation du risque cardiovasculaire. Toutefois, ces recommandations doivent être adaptées en fonction du profil du patient. Si son niveau de sédentarité est élevé, l’objectif consiste, dans un premier temps, à lutter contre cette sédentarité par des petites activités. Chez les sujets diabétiques, il convient également de se montrer prudent. Une évaluation préalable des risques est nécessaire.
Prescrire un traitement
En prévention primaire, lorsque la pression artérielle, les taux de cholestérol total, de LDL cholestérol et de glycémie à jeun correspondent aux normes, la maîtrise des facteurs de risque sur lesquels il est possible d’agir, associée à une surveillance régulière, permet de limiter les risques d’apparition d’une maladie cardiovasculaire. Mais lorsque les mesures des facteurs de risque précités sont élevées et qu’il y a association de facteurs de risques, un traitement médicamenteux doit être envisagé.
D’après les grandes études épidémiologiques, l’hypertension artérielle augmente le risque d’atteinte cérébrale de façon importante, la pression artérielle systolique étant largement impliquée. Les bénéfices d’un traitement antihypertenseur sont bien avérés en termes de morbi-mortalité cardiovasculaires puisqu’il réduit le taux de survenue des accidents vasculaires cérébraux de 30 à 40 % et des accidents coronariens de 0 à 15 %. Le traitement est reconnu efficace aussi bien chez les sujets hypertendus d’âge moyen que chez les personnes âgées de plus de 60 ans, diabétiques ou à haut risque cardiovasculaire.
L’hypercholestérolémie est elle aussi largement impliquée dans la survenue d’événements cardiovasculaires. Il est admis qu’une réduction de 10 % du taux de cholestérol total est associée à une réduction de 25 % du risque de maladie cardiovasculaire à 5 ans et qu’une réduction d’1mmol/L de LDL cholestérol diminue de 20 % les événements cardiovasculaires à 5 ans. Si le respect des règles hygiéno-diététiques est nécessaire, tout comme dans les cas d’hypertension artérielle, il ne suffit généralement pas à réduire efficacement les taux de cholestérol, d’où la nécessité de prescrire un traitement. L’hypertriglycéridémie augmente également le risque coronarien, mais elle est souvent liée à d’autres facteurs tels que l’obésité, le diabète, la baisse du HDL cholestérol, l’hypertension artérielle… La prise en charge du diabète est évidemment une autre composante essentielle de la prévention. Enfin, chez la femme, une attention particulière sera accordée en fonction du type de contraceptif utilisé ou du traitement hormonal substitutif de la ménopause et de l’âge. La maladie cardiovasculaire apparaît en moyenne 10 ans plus tard que chez les hommes. La fréquence de l’hypertension artérielle est plus élevée chez les femmes âgées, tout comme celle de l’obésité. Par ailleurs, les femmes obèses sont plus sujettes au diabète que les hommes.
Cependant, la prévention des maladies cardiovasculaires n’est pas seulement une affaire privée. Elle est également du ressort des pouvoirs publics qui peuvent mettre en place des stratégies adaptées telles que la lutte anti-tabac, des campagnes ciblant l’éducation alimentaire, l’aménagement de chemins piétonniers ou de pistes cyclables pour encourager les déplacements favorisant l’activité physique… Le bénéfice est garanti pour tous.
Source : www.doctinews.com